Dans cet article : une méthode adaptée au public dépressif permettant d’améliorer progressivement l’estime de soi. Le principe est de choisir des objectifs qui, s’ils sont tenus, vous permettent de vous sentir fier (fière) de vous, de correctement les définir, d’agir même si vous n’êtes pas motivé(e), de débriefer le soir et d’instaurer une routine vertueuse.
“Oh non, encore l’estime de soi ! Il y en a marre à la fin. Sans oublier que j’ai essayé trente-sept méthodes ces deux derniers mois, toujours sans aucun résultat. C’est dire si tout ça c’est du flan. Ou bien c’est moi qui suis nul…”
Allez, soyez un peu honnête, avez-vous déjà tenté les méthodes permettant d’améliorer l’estime de vous-même ?
Ma main au feu que oui, au moins un chouia. Et des bouquins ?
N’avez-vous pas lu celui de Christophe André ? Et bien oui, nous sommes tous les mêmes idiots dans cette entreprise.
Tout le monde voudrait s’aimer plus, mais personne ne sait vraiment comment faire.
Et si par bonheur on le sait, on se heurte à un duo fameux aussi immuable que la muraille de Chine, j’ai nommé :
“j’ai la flemme/j’ai la trouille”.
Alors, selon les individus, ce duo se dissimule derrière de beaux atours péremptoires du style “je n’ai pas le temps, c’est la faute de mon patron, de mon mari, de mes enfants, je n’ai pas assez de fric, je suis trop vieux, trop jeune, trop mal en point, trop fatigué, et j’ai en plus des trous dans mes chaussettes”.
Face à cela, personne ne peur se permettre de jeter la première pierre, moi y compris bien entendu. Chacun essaye de se dépatouiller au mieux.
Faut dire aussi que ce n’est pas notre faute. En effet, les méthodes visant à améliorer l’estime de soi ne sont pas toujours adaptées à un public plus ou moins embourbé dans des problématiques dépressives. Elles ont besoin de petites adaptations cruciales sans lesquelles elles mènent à l’échec, voire à une aggravation.
Mais pas de panique, je vous ai concocté un petit programme qui marche même dans ce cas.
Tout d’abord je dois vous dire un secret.
Vous voulez vous aimer plus ? Il faut passer par l’action.
Si l’estime de soi est une espèce de patchwork de jugements à votre propos (sur vos valeurs, vos compétences…), le moyen le plus simple d’agir dessus est d’influencer ce que vous pensez de vos actions.
Si vous préférez rester dans votre zone de confort pour mettre en place une stratégie purement cérébrale, cela peut se faire, mais c’est vraiment beaucoup plus dur, moins efficace et moins durable.
Bien entendu, que je vous dise : “il faut agir” vous casse les pieds. De fait, la demande pour des interventions psychologiques “en fauteuil” est forte, surtout en hypnothérapie où les patients veulent “s’endormir et se réveiller avec une bonne estime d’eux-mêmes”.
Le problème de cette approche évitante est qu’elle joue complètement le jeu de la dépression et nous verrons un peu plus bas pourquoi.
Pour le moment, voyons comment agir.
1. La veille : trouvez des objectifs bien définis qui, une fois accomplis, vous feraient vous sentir fier de vous
Note : ceux qui connaissent la méthode SMART ou bien la formulation d’objectifs de la programmation neuro-linguistique peuvent accélérer leur lecture. J’introduirai en violet les spécificités à prendre en compte pour les gens qui dépriment.
Cela a l’air simple comme ça mais ce n’est pas le cas et source de nombreux déboires. Comment choisir un objectif bien défini ? Suivez le guide.
Que sa réussite ne dépende que de vous. Ainsi “téléphoner à ma fille et que cela se passe bien” est mal défini puisque vous ne contrôlez pas les réactions de votre fille. Par contre “téléphoner à ma fille” est bien défini. Pour plus d’impact, formulez-le à la première personne du singulier accompagné d’un verbe d’action et sans utiliser de négation. Par exemple : “je mange cinq fruits ou légumes frais”. Correctement évaluer ce qui dépend de vous n’est cependant pas simple quand on vit la dépression ou l’anxiété chronique. En effet, le dépressif a tendance à sous-estimer ce qu’il peut contrôler. L’anxieux cherche pour sa part à contrôler des événements incontrôlables. Prenez donc grand soin à choisir un objectif selon ce critère.
Que vous puissiez apprécier s’il est réussi ou échoué. En d’autres termes il doit être mesurable. “J’avance bien sur mes dossiers” est mal défini. “Je travaille quatre heures sur mes dossiers” est bien défini.
Qu’il soit faisable dans la journée. Essayez cependant de privilégier les objectifs qui peuvent être faits quel que soit le moment de la journée. Il est en effet important de pouvoir les mener à bien le plus tôt possible.
Qu’il soit atteignable. Attention, ici nous trouvons un petit noeud dépressif qui est la tendance à choisir des objectifs disproportionnés. Pourquoi ? Il peut y avoir plein de raisons. En premier lieu ils sont plus motivant et donnent des émotions positives. Waw, si j’y arrivais ce serais drôlement chouette ! Enfin des émotions positives dans cet océan terne du quotidien !! Ben oui, mais quand on n’y arrive pas, bonjour la dégringolade.D’autres personnes ont tendance à être trop exigeantes, perfectionnistes, voire tyranniques avec elles-mêmes. “Je vais à la piscine pendant une heure”, bouh, quel objectif nul !!” Et on choisit plutôt : “je m’entraîne pendant huit heures afin de traverser l’Atlantique l’année prochaine”. Aussi, faites gaffe. Mieux vaut choisir un tout petit objectif pas motivant que l’on réussit plutôt qu’un enthousiasmant que l’on rate.
Qu’il ne provoque ni peur ni fatigue anticipée. Ce critère est particulièrement important dans le cas des dépressions et de l’anxiété. Il est malheureusement peu ou pas considéré par les méthodes traditionnelles. Si les émotions négatives se réveillent et vous mettent mal à l’aise, c’est que votre objectif est trop ambitieux pour votre état actuel. Moralité : on n’en dort pas de la nuit et le matin on a la trouille ou la flemme avant même d’être sorti du lit. Cela ne fait qu’associer des émotions fortement négatives à l’idée de passer à l’action, ce qui est totalement contre-productif. Si vous sentez que vous pouvez gérer les choses, allez-y mais il demeure préférable d’y aller pas à pas. C’est le principe du kaizen japonais [2] : avancer un tout petit peu chaque jour sans revenir en arrière pour accomplir un long chemin sans s’en apercevoir. Rappelez-vous le lièvre et la tortue : avancez lentement, mais avancez sûrement.
Procédez ainsi pour au moins deux objectifs situés chacun dans deux domaines différents et qui ont vraiment de l’importance pour vous.Par exemple : “je finis de ranger le garage” et “je vais courir dix minutes”. Ou : “je demande une augmentation” et “je vais au restau avec les enfants”. Il est important de procéder ainsi parce que l’estime de soi est plus solide quand il repose sur des domaines indépendants. Ainsi, s’il vous arrive un pépin dans un domaine important pour vous, cela n’altèrera pas l’ensemble de votre vision de vous même. Cette situation est malheureusement fréquente chez les gens qui misent tout sur le travail et qui, s’ils le perdent, s’enfoncent dans une dépression mahousse costaud.
2. Le jour même, agissez en évitant les pièges de la motivation
Accomplissez vos actions le plus tôt possible dans la journée. Attendre conduit à l’échec. On laisse le temps passer, et pendant ce temps on pense à ces foutues tâches que l’on s’est fixées, on les remet à plus tard, et encore à plus tard.
Et quand arrive le soir on est fatigué et on laisse tomber pour ne plus jamais s’y remettre. Les objectifs sont un peu comme un saint-bernard dans un film de Disney. Au début c’est petit et mignon. Cela ne fait absolument pas peur. Mais laissez passer du temps et cela se transforme en une espèce de monstre énorme qui sous ses aspects sympas n’en est pas moins totalement impossible à vivre.
Expédiez vos tâches très tôt et très vite si possible avant d’éveiller la peur et le découragement.
N’attendez pas d’être motivé(e). Vos objectifs ne vous motivent pas plus que ça ?
Tant mieux, c’est souvent signe que vous les avez bien définis : petits mais faisables. Mais il y a une autre raison absolument capitale dans cette histoire, c’est que pour le dépressif, la motivation est un faux ami. Et quand elle se retourne contre vous, on peut même la qualifier de pire ennemi.
Pourquoi ?
Parce que la personne qui souffre de dépression, plus que les autres individus, tendance à éviter ce qui le fait souffrir. C’est la raison pour laquelle vouloir améliorer son estime de soi sans se confronter à l’action joue le jeu de la pathologie.
Bien sûr, au début la stratégie d’évitement s’avère payante. En ne se confrontant pas aux situations pouvant potentiellement provoquer des émotions négatives, on évite le coût émotionnel de celles-ci.
Le problème est que on atténue d’une part notre capacité à pouvoir les gérer et d’autre part on rate du même coup les situations qui peuvent nous apporter des émotions positives. En voulant éviter la souffrance, on se bâtit ainsi une plus grande sensibilité à celle-ci et une vie sans plaisir.
Et le cercle vicieux se met en place : on évite de plus en plus la Vie jusqu’à ce que le moindre changement dans un quotidien soigneusement édulcoré se mette à allumer des diodes rouges : “attention, souffrance potentielle”.
Il y a donc peu de chances que les objectifs que vous vous fixez pour vous sentir fier (fière) de vous puissent lutter à armes égales contre cet impératif d’immobilisme absolu.
Dans ce cas, que faire ?
Agissez sans être motivé(e) !! Cela n’est pas si stupide que ça en a l’air; s’en est même loin. On a en fait tendance à croire que la pensée vient en premier et les actions ensuite (et donc que la motivation est nécessaire à l’action). Mais en fait ça fonctionne dans les deux sens.
Quand vous agissez, votre esprit fait ensuite des ajustements pour se mettre en conformité avec l’action effectuée. Il ne vous est jamais arrivé de n’avoir aucune envie d’aller faire un truc (du sport, des courses, une soirée entre amis…) et vous rendre compte que finalement vous vous y sentiez bien ? Et bien c’est ça.
La motivation devient la conséquence de l’action et non plus sa cause.
En pratique cela demande d’agir sans y penser, en mode automatique. Bloquez votre petite voix qui de toutes façons n’a pour objectif que de vous faire éviter la souffrance, et donc de rester sans jamais rien faire. Le recours à la méditation de type pleine conscience est ici utile, mais sans elle ça passe aussi.
Concentrez-vous sur votre action ou sur votre respiration ; trouvez votre méthode pour la faire cesser. Faites parler votre Jiminy Cricket avec un timbre ridicule, ou bien très étouffé voire difficile à entendre, en langue étrangère.
Imaginez un petit diable sur une épaule et un ange sur l’autre, oui, oui, comme le fait le capitaine Haddock. Organisez un combat et faites gagner l’ange. Dites-lui de revenir plus tard. Bref, soyez fun et si vous ne pouvez pas vous en faire une amie pour le moment, refusez d’écouter votre petite voix.
Cela demande un peu d’attention mais c’est beaucoup plus facile que ça en a l’air. Une fois que c’est réglé, agissez comme un robot et si elle revient (ce qu’elle fera à coup sûr) débrouillez-vous comme précédemment.
3. Essayez d’aller un peu plus loin que ce que vous vous étiez fixé
Quand l’action est réussie, jouissez de la sensation de fierté. C’est votre récompense. Toutes mes félicitations, vous y êtes parvenu(e). Vous pouvez être fier (fière) de vous. Je ne suis pour ma part pas trop branché par les techniques de type “noter dans un cahier” mais si vous le sentez, faites-le.
Décrivez les sensations ressenties et les performances effectuées. Chez certaines personnes (celles qui se fixent plutôt des objectifs très élevés peu atteignables) la fierté peut ne pas être présente parce qu’elles ont des standards trop élevés. C’est très fréquent chez les dépressifs qui ont tendance à se comparer à autrui d’une façon qui leur pourrit le moral. Ainsi se centrent-ils sur les détails qui leur confirment leur mauvaise image d’eux-mêmes.
Or il y aura toujours quelqu’un faisant mieux et il y aura toujours la possibilité que la personne elle-même fasse mieux. La seule comparaison vertueuse est par rapport à soi, les jours précédents.Si vous avez ce problème, notez sur un carnet les actions accomplies et instaurez une logique de développement continu. Mais souvenez-vous : à petits pas.
Le soir, débriefez devant le miroir. J’ai trouvé cet exercice tout bête mais diablement efficace chez Jack Canfield. Il s’agit chaque soir de se planter devant le miroir, se regarder dans les yeux et se dire tout ce que l’on a fait de bien dans la journée et qui vous permet d’être fier de vous.
Achevez ce débriefing en vous disant que vous vous aimez. Cela fait super bizarre les premières fois et on se sent facilement mal à l’aise ou profondément grotesque. Mais on en récolte rapidement les fruits car on finit par agir dans la journée de façon à avoir des trucs à se dire devant la glace.
4. Créez-vous une routine vertueuse.
En définitive cette méthode est très facile à mettre en place. Deux objectifs bien définis ayant sens pour vous et déterminés le soir, actions rapides sans trop penser, débriefing le soir. Il ne vous reste plus qu’à augmenter la difficulté des actions progressivement et l’enthousiasme qu’elles provoquent en vous. En cas d’échec, revoyez-les à la baisse et demeurez dans une perspective d’amélioration prudente, mais réelle.
N’hésitez pas à partager dans les commentaires les difficultés que vous rencontrez peut-être dans l’application de cette méthode. Et bien sûr, partagez vos succès !